La valse
des éboueurs
Elle avait quitté la
maison sur un coup de tête,
Avait dit à tous d'aller
se faire mettre,
Elle a évité les flaques
qui jonchaient le pavé,
Entendit les enfants des
voisins rire et hurler,
Sur le quai du métro une
peur indescriptible l'a envahit,
Et elle ne cessait de lui
dire : Barres toi, allez, vas-y,
Elle rentra dans un wagon
et chercha un siège des yeux,
Sous terre, tout à l'air
suspendu, à l'abri du ciel suspicieux,
Chacun est spectateur,
acteur, hors de la vie réelle,
Chacun est seul mais ce
n'est qu'ici que la vie ruisselle,
Alors elle écouta des
femmes parler de licenciement,
Un mec bourré qui sortait
d'une soirée du Nouvel An,
Compta les stations
manquantes pour être enfin arrivée,
Elle avait les jetons à
mesure que le métro se bondait,
À Madrid ce jour là on
était le premier janvier,
Et ce jour là elle avait
le jet lag de l'année passée,
Elle s'est dit que ce
serait mieux de tout recommencer,
Et cette fois de faire
enfin ce que bon lui semblerait,
Elle écrivit ses états
d'âme sur un bout de papier,
Rien de plus qu'un tract
de pub pour un resto japonais,
Pour elle, la nécessité
de rédiger, de s'exprimer,
Même plus que ça :
une véritable bouée à laquelle s'amarrer,
Cet équilibre qu'on lui
revendait, elle voulait le faire valser,
Et cette inquiétude lovée
chez elle, s'en débarrasser,
Sa morale l'obligeait à
s'y plier, mais en était lasse,
Dehors, les éboueurs
s'acharnaient en une étrange valse,
La pluie agitait les
feuilles qu'avec rage ils ramassaient,
Les tas qu'ils faisaient
partaient, impossible de les amasser,
Les passants se f aisaient rares
alors que l'intempérie redoublait,
Elle se dépêcha, sa
profonde lassitude la troublait,
Mais redoutait ce regard
qui la suivait sur les baies vitrées,
Seul comptait ce regard
perdu, les autres peu lui importaient,
Ses bottines tâchées de
boue endurcie pendant le trajet,
Elle remonte sans
ascenseur les cinq étages à pied,
Le visage assombri elle
tâta ses poches cherchant ses clés,
Puis ouvrit la porte de
l'appart pour s'y engouffrer,
«Allez, Lis la page 14,
veux-tu ? Es-tu parmi nous ? »
La voix de la prof
retentit elle aimerai se cacher, mais où?
La réalité est
cinglante, mais sa peur l'interroge,
« Veux-tu encore
rester les yeux scotchés à l'horloge ? »
Elle a donc quitté la
salle de cours sur un coup de tête,
Après avoir dit à la
prof que pour elle, elle ne s'inquiète,
Elle revoit sa fuite
rêvée, elle en est sûre ce n'était pas un loeur,
Elle revoit le métro, la
flotte, et danse rageusement la valse des éboueurs,
Cette rage qu'on essaye de
contrôler pour qu'elle ne nous ravage pas,
Mais qu'il faut faire
ressortir avec courage et ainsi elle nous grandira,
Elle court hors du lycée
le sourire aux lèvres, se fout des futures rumeurs,
Elle court rayonnante et
sur le trottoir elle danse rageusement la valse des éboueurs.
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