lundi 6 janvier 2014

La valse des éboueurs



La valse des éboueurs

 

Elle avait quitté la maison sur un coup de tête,

Avait dit à tous d'aller se faire mettre,

Elle a évité les flaques qui jonchaient le pavé,

Entendit les enfants des voisins rire et hurler,

Sur le quai du métro une peur indescriptible l'a envahit,

Et elle ne cessait de lui dire : Barres toi, allez, vas-y,

Elle rentra dans un wagon et chercha un siège des yeux,

Sous terre, tout à l'air suspendu, à l'abri du ciel suspicieux,

Chacun est spectateur, acteur, hors de la vie réelle,

Chacun est seul mais ce n'est qu'ici que la vie ruisselle,

Alors elle écouta des femmes parler de licenciement,

Un mec bourré qui sortait d'une soirée du Nouvel An,

Compta les stations manquantes pour être enfin arrivée,

Elle avait les jetons à mesure que le métro se bondait,

À Madrid ce jour là on était le premier janvier,

Et ce jour là elle avait le jet lag de l'année passée,

Elle s'est dit que ce serait mieux de tout recommencer,

Et cette fois de faire enfin ce que bon lui semblerait,

Elle écrivit ses états d'âme sur un bout de papier,

Rien de plus qu'un tract de pub pour un resto japonais,

Pour elle, la nécessité de rédiger, de s'exprimer,

Même plus que ça  : une véritable bouée à laquelle s'amarrer,

Cet équilibre qu'on lui revendait, elle voulait le faire valser,

Et cette inquiétude lovée chez elle, s'en débarrasser,

Sa morale l'obligeait à s'y plier, mais en était lasse,

Dehors, les éboueurs s'acharnaient en une étrange valse,

La pluie agitait les feuilles qu'avec rage ils ramassaient,

Les tas qu'ils faisaient partaient, impossible de les amasser,

Les passants se f aisaient rares alors que l'intempérie redoublait,

Elle se dépêcha, sa profonde lassitude la troublait,

Mais redoutait ce regard qui la suivait sur les baies vitrées,

Seul comptait ce regard perdu, les autres peu lui importaient,

Ses bottines tâchées de boue endurcie pendant le trajet,

Elle remonte sans ascenseur les cinq étages à pied,

Le visage assombri elle tâta ses poches cherchant ses clés,

Puis ouvrit la porte de l'appart pour s'y engouffrer,

«Allez, Lis la page 14, veux-tu ? Es-tu parmi nous ? »

La voix de la prof retentit elle aimerai se cacher, mais où?

La réalité est cinglante, mais sa peur l'interroge,

« Veux-tu encore rester les yeux scotchés à l'horloge ? »

Elle a donc quitté la salle de cours sur un coup de tête,

Après avoir dit à la prof que pour elle, elle ne s'inquiète,

Elle revoit sa fuite rêvée, elle en est sûre ce n'était pas un loeur,

Elle revoit le métro, la flotte, et danse rageusement la valse des éboueurs,

Cette rage qu'on essaye de contrôler pour qu'elle ne nous ravage pas,

Mais qu'il faut faire ressortir avec courage et ainsi elle nous grandira,

Elle court hors du lycée le sourire aux lèvres, se fout des futures rumeurs,

Elle court rayonnante et sur le trottoir elle danse rageusement la valse des éboueurs.

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