samedi 24 mai 2014

Monsieur le Directeur


Monsieur le directeur



Monsieur le directeur ne licenciez pas ma maman,

Je suis un pauvre diable mais tuez moi si je mens,

Avec mon haleine je réchauffe mon frère après le bain,

Je vois pleurer ma mère lorsqu'elle coupe le pain,

Le petit baigne dans ses chaussures usées et trop grandes,

Le loyer bouffe tout salaire alors je vous demande,

Qu'elle retourne à son travail pour se changer les idées,

Dans le salon nous n'avons plus qu'un radiateur gelé,

Une photo de notre papa, des tonnes de couvertures,

On coupera bientôt l'eau et ici s'effritent les murs,

C'est pas une vie, je vous jure, mais on tient pour le moment,

Je fait cet appel désespéré, même si c'est insultant,

Certaines fois par téléphone nous parlons avec papa,

Il nous répète souvent que jamais il ne reviendra,

Début décembre on a voulu nous virer de chez nous,

Mais les pompiers pleuraient car c'est ignoble après tout,

J'ai vu des choses que j'aimerais tant pouvoir oublier,

Des centaines d'images que je pourrais jamais raconter,

J'ai peur de confondre le cauchemar et la réalité,

D'être emporté par les tentacules de la difficulté,

Certains pensent qu'il n'y a plus de revendications à faire écouter,

De révolutions ou de contre-pouvoir à mener,

Cependant, qui n'a jamais rêvé d'un monde plus juste ?

Non, dîtes-moi, franchement, qui n'y a jamais pensé au juste ?

Alors pourquoi vivons nous tous dans cette conformité ?

Doit-on être esclave de la richesse ou de la pauvreté ?

Au service d'un système qui parfois nous plaît, parfois nous hais,

On condamne nos proches et nos voisins, est-ce cela la liberté ?

Il y a trois ans les indignés étaient sous mes fenêtres,

La presse les a oubliés, nous a oublié, qu'est-ce qui nous reste ?

Mon encre s'épuise et mes mots aussi alors je vous dit,

Qu'il n'est pas dur de lever le nez et de s'entre-aider,

Alors Monsieur Le directeur, on se voit vendredi,

On parlera de tout et de rien autour d'un café.

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